Les SPAC (Special Purpose Acquisition Companies) sont en plein essor aux États-Unis. En 2020, ces véhicules d’investissement ont collecté plus de 83 milliards de dollars dans le pays et près de 55 % des introductions en Bourse se sont déroulées par l’intermédiaire d’une SPAC. La vague des SPAC touche désormais l’Allemagne, la France et plus globalement, l’ensemble de l’Europe.
Les SPAC sont des structures mises en place pour acquérir des sociétés et les introduire en Bourse. L’exemple suivant permet d’en comprendre concrètement le fonctionnement. Klaus Hommels, fondateur de la société d’investissement zurichoise Lakestar Advisors, a tout d’abord créé une SPAC spécialisée dans les valeurs technologies européennes et basée à Luxembourg – c’est le sponsor. La SPAC I Lakestar a ensuite été introduite en Bourse et a été sursouscrite huit fois. Son équipe dirigeante, chapeautée par Stefan Winners (CEO) et Inga Schwarting (CIO), recherche des cibles potentielles dans le secteur européen de la technologie, dans l’optique d’acquérir une société prête à entrer en Bourse. Il a été émis 27,5 millions d’unités à 10 EUR constituées d’une action et d’un bon de souscription avec un prix d’exercice de 11,50 euros. Les actions et les bons de souscription de la SPAC se négocient sur la Bourse de Francfort depuis le 22 février 2021. Cotées initialement à 11,15 EUR, les actions ont fluctué depuis entre 12,02 EUR (son point le plus haut, au 22 février) et 10,08 EUR (son point le plus bas, au 26 avril).
Cet exemple illustre bien les opportunités et les risques que présente une SPAC. Des investisseurs confient des capitaux à une équipe de gestion – expérimentée si possible – dans l’espoir que cette coquille vide leur permette de réaliser une acquisition intéressante et que la valeur de la société rachetée augmente. Lors de l’introduction en Bourse, les SPAC ne peuvent pas présenter un historique de chiffre d’affaires ou de bénéfices, des données sur lesquelles se fondent habituellement les investisseurs.
Ces derniers ne connaissent pas non plus la société qui fera l’objet de l’acquisition. Ils achètent donc littéralement « les yeux fermés ». Les SPAC sont d’ailleurs aussi surnommées sociétés « chèques en blanc ». Aux États-Unis, elles ont pris de l’importance dans les années 1980, avant d’être soumises à une réglementation plus stricte dans les années 1990 lorsque la Penny Stock Reform Act et la Rule 419 de la SEC furent adoptées pour répondre aux nombreuses fraudes commises.
En Europe, des entrepreneurs avertis ont commencé à s’intéresser aux SPAC il y a quelques mois. Les capitaux associés à l’expertise. Bernard Arnault, l’un des hommes les plus riches du monde avec la société de produits de luxe LVMH, a constitué la SPAC Pegasus Acquisition Co. Europe avec Jean-Pierre Mustier, ancien directeur d’UniCredit, et Diego De Giorgi, ancien directeur d’investissement de la Bank of America, qui est cotée à la Bourse d’Amsterdam depuis le 29 avril 2021. François Pinault, devenu milliardaire grâce à la société Kering et la marque Gucci, a acheté 345 millions de parts dans la SPAC détenue notamment par Tidjane Thiam, ancien CEO de Credit Suisse, et cotée à New York. Citons aussi Martin Blessing, ancien directeur à la Commerzbank, qui a créé la SPAC European FinTech IPO Company 1 (EFIC1) avec des associés de réputation mondiale et levé près de 415 millions d’euros. La SPAC EFIC1 est cotée à la Bourse d’Amsterdam. Ces différents exemples montrent que l’engouement pour les SPAC s’est fortement accru en Europe au cours des derniers mois.
Cependant, si aux États-Unis, les SPAC connaissent un formidable essor et sont aujourd’hui parfois lancées par des sportifs et des personnalités de renom, leur développement n’en est encore qu’à ses débuts en Europe. Elles restent pour l’instant principalement financées et choisies par des professionnels expérimentés.
Les SPAC permettent aux petites entreprises d’accéder à des capitaux sans céder le contrôle de leur gestion à des sociétés de private equity ou sans devoir suivre la longue procédure d’introduction en Bourse. Du point de vue des investisseurs, les SPAC sont intéressantes étant donné qu’en moyenne 97 % des capitaux sont déposés sur un compte sous séquestre et que les capitaux sont remboursés avec des intérêts si les sponsors ne réussissent pas à finaliser une acquisition dans un délai qui est généralement de 18 à 24 mois, mais qui peut souvent être prolongé. Lors de l’introduction en Bourse, les sponsors achètent généralement des warrants à 1,50 USD pour un prix unitaire de 10 USD. Ces capitaux peuvent permettre de régler les frais et les dépenses jusqu’à l’introduction en Bourse. Les capitaux des investisseurs sont ainsi relativement bien protégés jusqu’à l’opération. Les investisseurs sont également protégés par des règles en vertu desquelles ils doivent approuver l’acquisition. S’ils la refusent, ils récupéreront leurs capitaux de départ augmentés d’intérêts. C’est pourquoi les gestionnaires de fonds spéculatifs expérimentés et d’autres investisseurs institutionnels figurent parmi les plus importants bailleurs de fonds des SPAC. Lors de l’introduction en Bourse, les sponsors proposent souvent à des investisseurs spécialisés dans les investissements privés en actions publiques (PIPE) d’apporter des liquidités supplémentaires pour pouvoir rembourser les investisseurs qui le souhaitent et accroître les capitaux destinés à l’acquisition.
Le fait que les structures des sponsors soient souvent surdimensionnées constitue toutefois un inconvénient des SPAC. Les sponsors achètent généralement 20 % de la SPAC pour 25 000 USD alors que les investisseurs apportent des millions de dollars. En novembre dernier, le Financial Times a évoqué les gains considérables perçus par les sponsors regroupés autour de Michael Klein, ex-banquier d’investissement chez Citigroup, qui ont introduit en Bourse la société Clarivate Analytics par l’intermédiaire d’une SPAC et ont touché 60 millions USD au bout de deux ans à peine pour une participation initiale de 25 000 USD, et qui possédaient encore près de 400 millions USD dans l’entreprise (Financial Times du 23 novembre 2020). Selon nous, les législateurs et les autorités de réglementation devraient définir en Europe des structures qui soient plus transparentes et sur une durée plus longue. Du point de vue des investisseurs, la participation financière des sponsors devrait être élevée, le principe étant que ceux qui sont impliqués à plus long terme accordent une attention plus grande à la réussite de leur investissement et veulent ensuite davantage le faire fructifier. Selon une étude universitaire de Gahng, Ritter et Zhang publiée en mars 2021, les investisseurs qui ont placé des capitaux dans des SPAC cotées en Bourse ont dégagé des rendements moyens attractifs sur une période de 8 ans. Cependant, après l’acquisition de la cible, leurs actions leur ont rapporté un rendement pondéré de -15,6 %, soit inférieur d’environ 24,3 % à celui de l’ensemble du marché1. Il semble donc bien que dans le monde des SPAC aussi, les premiers arrivés soient les premiers servis.
Le 2 mai 2021, le Financial Times a indiqué que les SPAC avaient en moyenne diminué de deux cinquièmes depuis leur point haut. Compte tenu des signes d’emballement observé sur ce marché, en particulier aux États-Unis, nous recommandons d’accorder la plus grande attention aux risques – notamment les risques de dilution associés aux gains excessifs touchés par les sponsors – et d’investir dans les sociétés « chèques en blanc » qui présentent un profil de croissance très solide.
Conclusion : En Europe aussi, les SPAC vont livrer une concurrence croissante aux sociétés de private equity et autres soumissionnaires stratégiques autour des entreprises technologiques, des fintechs et des autres entreprises de croissance qu’elles voudraient faire entrer en Bourse. Si elles ont déjà provoqué certains débordements aux États-Unis, elles n’en sont encore qu’à leurs débuts en Europe. Outre le choix de l’équipe de gestion, il convient d’analyser avec attention la structure de la SPAC avant de décider d’y investir. En ce qui concerne les investisseurs, il est préférable que l’apport en capital des sponsors soit élevé, que l’équipe de direction soit bloquée au-delà de l’introduction en Bourse et que la SPAC fasse preuve de plus de transparence. Il faut éviter de commettre en Europe les erreurs qui ont été faites aux États-Unis du fait de structures inappropriées.
1) M Gahng, JR Ritter, D Zhang (2021), SPACs (March 2nd, 2021), disponible sur le site internet the Social Science Research Network
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