Quand les bons vins ne révèlent pas que leurs arômes : retour sur l'affaire Pétrus

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Patrimoine 17/12/2024

Quand les bons vins ne révèlent pas que leurs arômes : retour sur l'affaire Pétrus

ODDO BHF3 Minutes

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Caroline Mignaval
Ingénieur Patrimonial
Rédigé le 17 décembre 2024

 

Un particulier qui pensait pouvoir revendre des bouteilles de vin Pétrus sans fiscalité s'est vu redresser lourdement. Nous vous proposons de faire le point sur cette affaire rocambolesque1 qui vient rappeler la distinction entre gestion patrimoniale et gestion commerciale d'une cave personnelle, puis de revenir sur la notion de présent d'usage en cette période des fêtes de fin d'années.

Retour sur l'affaire Pétrus1

Après quatre années de procédure, la Cour administrative d'appel de Paris1 vient de donner raison à l'administration fiscale en qualifiant l'activité de revente d'activité commerciale de négociant en vin. Pour les collectionneurs, cette affaire Pétrus est l'occasion de rappeler la méthode du faisceau d'indices permettant de distinguer, au cas par cas, la gestion patrimoniale de la gestion commerciale d'une cave personnelle. Les risques encourus en cas de requalification sont lourds fiscalement.

Monsieur B, collectionneur de vin, s'est constitué une cave personnelle comptant environ 700 bouteilles acquises en une dizaine d'années. 

Ce dernier n'était pas la cible initiale de l'administration fiscale, mais par ricochet à l'occasion d'une vérification de comptabilité d'une société bordelaise négociant en vin, l'administration fiscale s'est aperçue que Monsieur B figurait en tant que fournisseur. Elle remonta la filière et s'aperçu que ce dernier n'avait pas déclaré ses ventes de bouteilles de vin. 

L'administration fiscale dispose en principe d'un délai de 3 ans pour vérifier la situation fiscale d'un particulier en matière d'impôt sur les revenus, mais peut remonter jusqu'à 10 ans en cas de soupçon de fraude. En l'espèce, Monsieur B n'ayant pas déposé les déclarations fiscales qu'il était tenu de souscrire, s'est placé, de facto, en situation d'activité occulte, justifiant une extension du contrôle fiscal sur les 10 dernières années

Durant cette longue période de vérification, il est ressorti que Monsieur B avait revendu de nombreuses bouteilles de vin Pétrus (60 bouteilles de 2011 à 2013), peu de temps après les avoir acquises (entre 1 mois et 18 mois plus tard) à un professionnel auprès duquel il disposait d'un compte fournisseur et à un prix de cession largement supérieur au prix d'acquisition (entre 3 et 5 fois). Il en ressort que ces opérations d'achat-revente n'ont pas été destinées à la consommation personnelle de Monsieur B, ni à enrichir sa collection, mais au contraire, à financer d'autres achats de bouteilles ne concernant pas ce cru.  

Ainsi, eu égard à l'importance et à la fréquence des transactions, au fait que les bouteilles de vin Pétrus revendues sont demeurées peu de temps dans le patrimoine du contribuable, M. B ne s'est pas comporté comme un simple collectionneur de vins mais comme ayant eu une activité commerciale de négociant en vin à titre individuel et dans un but lucratif. Dès lors, les bénéfices résultant de ces opérations sont passibles de l'impôt sur les revenus dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (tranche marginale d'imposition pouvant atteindre 45%), de la taxe sur la valeur ajoutée (20%) et des intérêts de retard et pénalités (jusqu'à 80%).

Cette méthode du « faisceau d'indices » permet ainsi de distinguer, pour chaque situation, la gestion commerciale de la gestion patrimoniale. Les critères analysés sont par exemple la fréquence, le montant et le nombre de transactions, la proportion du prix de vente par rapport aux autres revenus du contribuables, le délai entre l'achat et la revente, le remploi du produit de cession…

Quid si la gestion avait été qualifiée de patrimoniale ? 

Les cessions patrimoniales de bouteilles de vin, de plus de 5 000€, sont taxables dans la catégorie fiscale des biens meubles. La plus-value2, réduite d'un abattement de 5% par an à compter de la 3ème année de détention, est taxable à 19% (impôt sur les revenus) + 17,2% (prélèvements sociaux) + 3 à 4% (éventuelle contribution exceptionnelle sur les hauts revenus). 

Cette taxation pouvant atteindre 40% peut ainsi être réduite par une détention longue et complètement supprimée au terme de 22 ans de détention. Pour cela, il convient de pouvoir justifier du prix et de la date d'acquisition (d'où l'importance de conserver les factures). 

Outre cet aspect fiscal, la conservation des bouteilles dans le temps est également un sujet déterminant pour respecter, voir valoriser les qualités intrinsèques du vin.   

Et si ces bouteilles sont offertes dans certaines occasions ? 

Ce cadeau peut être qualifié de présent d'usage, à la double condition : 
- D'être offert à l'occasion d'un évènement particulier, pour lequel l'usage suppose un cadeau. Par exemple Noël, un anniversaire, une remise de diplôme, des fiançailles, un mariage, une naissance, un départ en retraite, etc.
- Et d'avoir une valeur modique par rapport à la situation de fortune et de revenus de l'offrant (appréciation au cas par cas en fonction de l'ensemble des circonstances de fait).

Le caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti. Si ces 2 conditions cumulatives sont bien respectées, alors le présent d'usage n'est pas considéré comme une donation au sens juridique et fiscal. Ainsi, il ne consomme pas les abattements éventuellement disponibles et n'est pas imposable aux droits de donation. 

Comme pour les justificatifs d'acquisition, il est important de conserver la preuve que ce cadeau est bien fait dans l'esprit d'un présent d'usage (par exemple, conserver un écrit précisant la date, l'évènement, le motif du cadeau). Cela permet de se prémunir, en cas de contrôle de l'administration fiscale, du risque de requalification en donation. 


Collectionneurs experts si vous avez un doute, buvez ou offrez vos bouteilles ! 


1 Cour administrative d'appel de Paris – arrêt du 17 octobre 2024 affaire Pétrus
2  Plus-value : prix de cession – prix d'acquisition (éventuellement majoré des frais d'acquisition, hors frais de conservation)

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