Laurent Denize – Global Co-CIO ODDO BHF
Une large diversification des portefeuilles est considérée à juste titre comme la recette du succès sur le long terme dans le secteur de la gestion d’actifs. Or l’an dernier, les investisseurs qui ont obtenu les meilleures performances sont ceux qui ont ignoré ce conseil. Ceux qui se sont cantonnés aux poids lourds du secteur technologique aux Etats-Unis, baptisés les Sept Magnifiques (Microsoft, Alphabet, Amazon, Meta, Apple, Nvidia, Tesla), ont obtenu une performance plus de deux fois supérieure à celle de l’indice Nasdaq. En partie grâce aux entreprises technologiques, les actions américaines atteignent désormais des niveaux de valorisation nettement plus élevés que ceux de la zone euro, caractérisée par une forte instabilité politique et une faible croissance. La victoire électorale de Donald Trump a par ailleurs accentué la pondération des États-Unis dans les portefeuilles. Et compte tenu du faible nombre d’alternatives, la plupart des investisseurs semblent réticents à abandonner le paradis (non-artificiel) des actions américaines à court terme. Mais sur le long terme, la diversification régionale et sectorielle regagnera de l’importance eu égard aux risques géopolitiques et à la forte concentration de certains indices actions.
Les États-Unis, un paradis macro-économique
Plusieurs raisons expliquent la domination du marché actions américain. Les promesses de baisses d’impôts et de déréglementation faites durant la campagne électorale sont des catalyseurs substantiels, sachant que les États-Unis sont déjà très en avance en termes de dynamique de croissance et de gains de productivité. Les prévisions des analystes et les indicateurs du sentiment font également état d’une croissance solide aux États-Unis, alors que la Chine stagne à cause de la faiblesse de son marché immobilier et de sa consommation intérieure et que les plus grandes économies européennes accusent une croissance en baisse. Étant donné le niveau élevé des incertitudes politiques en France et en Allemagne, les prochaines baisses des taux de la BCE ne devraient pas être suffisantes pour déclencher un miracle économique. En effet, les industriels allemands dont l’activité dépend en grande partie des exportations auraient par exemple besoin d’une reprise durable en Chine, ce qui n’est pas à l’ordre du jour à court-terme.
La tendance désinflationniste devrait continuer de soutenir les actifs risqués à l’échelle mondiale. Cette tendance a récemment marqué une pause aux États-Unis où l’inflation sous-jacente est sensiblement supérieure à l’objectif de 2 %, mais elle se poursuit en Europe. La BCE ayant plus de marge de manœuvre pour abaisser ses taux face à une économie atone, la politique monétaire des deux côtés de l’Atlantique continuera de diverger. Reste à connaître l’impact inflationniste des politiques « trumpiennes ». D’après des calculs réalisés par Oxford Economics, la hausse des droits de douane sur les importations, plus particulièrement chinoises, ajouterait un point de pourcentage au niveau général des prix aux États-Unis. La récente augmentation des taux longs américains pourrait également ébranler le contexte paradisiaque, mais nous n’en sommes pas encore là tant que le taux hypothécaire à 30 ans ne monte pas en flèche.
D’après notre analyse, l’environnement reste mitigé pour les investisseurs : la croissance ralentit dans différentes régions du monde, mais sans récession ; la tendance désinflationniste se poursuit ; la politique monétaire accommodante et un programme de relance possible en Chine pourraient stimuler l’économie ; le mode de gouvernance imprévisible de Donald Trump, les incertitudes politiques en Allemagne et en France et les crises géopolitiques demeurent des facteurs négatifs. Les Etats-Unis semblent néanmoins relativement immunisés.
« In US we trust »
Pour les investisseurs, cette situation signifie que les États-Unis continuent d’offrir plus d’opportunités que les autres régions. Les valorisations y sont certes très élevées, mais elles restent soutenues par des marges bénéficiaires et un rendement des capitaux propres élevés, contrairement à d’autres régions du monde. D’après FactSet, le consensus table sur une croissance bénéficiaire moyenne de 14,6 % pour l’indice S&P 500, mais de 8,2 % seulement pour les actions de l’indice Stoxx Europe 600 en 2025. Nous observons des signes qui montrent que la polarisation extrême du marché d’actions américain commence à diminuer. Les actions de l’indice S&P 500 évoluant de manière moins uniforme que par le passé, le marché offre des opportunités attractives pour les investisseurs adeptes de la gestion active qui privilégient certains thèmes et valeurs individuelles. Qu’est-ce qui pourrait gâcher la fête ? Très probablement le montant des dépenses effectuées par les grands opérateurs de l’Intelligence Artificielle. Si l’adoption de l’IA se mettait à stagner, le recul des investissements pèserait inéluctablement sur le marché boursier. Mais il ne s'agit pas de notre scénario central.
Quelles raisons justifieraient un repositionnement sur l’Europe ?
Les actions européennes sont largement sous-évaluées (et survendues) par rapport aux actions américaines. Même en excluant les Sept Magnifiques, la décote de l’Europe par rapport aux États-Unis demeure à son plus haut niveau, autour de 30 %. Par ailleurs, les prévisions de baisse des taux de la BCE demeurent excessivement prudentes et pourraient réserver d’agréables surprises. Toutefois, cela ne suffit pas à inverser le sentiment négatif des investisseurs à l’égard du Vieux Continent. Même si une sous-pondération nous semble exagérée, les investisseurs doivent attendre la matérialisation de signaux positifs avant d’accroître leur exposition à l’Europe. Ces signaux positifs pourraient venir de la Chine, ou de l’Allemagne où des élections se tiendront fin février. Après deux années de contraction de l’activité, le nouveau gouvernement pourrait prendre des mesures concrètes pour soutenir une économie allemande anémique. Des mesures de réduction de l’impôt sur les sociétés, élevé au regard des niveaux internationaux, et un changement de politique énergétique et d’investissement pourraient encourager les entreprises allemandes à investir, ce qui bénéficierait à l’Europe tout entière. En attendant, la sélection de valeurs doit favoriser les entreprises européennes fortement exposées aux États-Unis mais non impactées par les tarifs douaniers, soit parce qu’elles produisent localement, soit parce qu’elles appartiennent au secteur des Services.
Où identifions-nous des paradis (non artificiels) alternatifs ?
Depuis le lancement de Chat GPT, de nombreux observateurs ont prédit la fin de la vague de l’IA. Nous pensons bien au contraire que ce n’est que le début, et que l’IA générative n’est que la partie émergée de l’iceberg. Toutes les grandes sociétés de l’Internet, de Open AI à Google, en passant par Apple, travaillent à la création d’agents IA qui réaliseraient pour nous des recherches sur Internet en toute autonomie. Ces agents entraîneraient des répercussions importantes sur notre manière d’utiliser Internet et sur la manière dont cette utilisation pourrait être monétisée. Les premiers agents ont déjà été intégrés aux logiciels de Salesforce et Service Now. Les agents IA sont également nécessaires pour développer des applications dans la robotique et les véhicules autonomes par exemple. Le rythme de développement rapide dans le domaine de l’IA plaide pour une gestion active et réactive, car toutes les étoiles montantes du moment ne parviendront pas à survivre à la concurrence intense.
Dans la mesure où la part de l’électricité dans la consommation d’énergie est vouée à augmenter massivement dans les prochaines années (en partie en raison des centres de données), les investissements nécessaires à l’électrification présentent de nombreuses opportunités sur le long terme. Il en va de même pour les investissements dans l’énergie durable. La plupart des réductions d’émissions de CO2 seront obtenues grâce à la technologie plutôt que par un changement des comportements. Dès lors que le coût de ces technologies diminue à mesure qu’elles se démocratisent, la transition écologique demeure un thème de croissance séculaire que nous privilégions. Notre constat est le même pour le secteur européen de la Défense. Dans la mesure où la nouvelle administration Trump appelle l’Europe à davantage financer ses besoins de sécurité, un cycle haussier de plusieurs années des dépenses européennes dans la Défense et d’expansion des multiples des actions de ce secteur est une de nos convictions fortes.
Fortement sous-évaluées, les petites capitalisations américaines et les moyennes capitalisations européennes offrent également des opportunités de diversification sur le segment des actions. Les valeurs cycliques ayant récemment signé de belles performances sous l’effet de prévisions économiques excessivement optimistes, nous leur préférons les valeurs défensives de croissance sur le court terme. Ces derniers temps, les marchés émergents ont déçu, mais ils offrent un important potentiel de rattrapage important. À notre avis, le gouvernement chinois devrait prendre des mesures décisives pour stabiliser son économie, particulièrement en réponse à la hausse des droits de douane, ce qui aura des répercussions positives sur les autres marchés asiatiques.
S’agissant des Taux, nous restons convaincus que la duration doit être augmentée en Europe, mais pas trop aux États-Unis où la reconstitution de la prime de terme est en marche, ce qui participe à la forte hausse des taux longs.
S’agissant du Crédit, nous tenons à rappeler que le niveau de portage justifie une exposition aux obligations d’entreprises. Nous privilégions le Crédit Court.
En matière de diversification, nous estimons qu’il est trop tôt pour prendre une position acheteuse sur l’euro. Nous maintenons également une exposition faible sur le pétrole, qui pâtit d’un déséquilibre entre l’offre et la demande.
Conclusion
Pour l’instant, les États-Unis restent un paradis non artificiel, que nous continuons de surpondérer sur le segment actions. Toutefois, les niveaux de valorisation élevés, couplés à une polarisation extrême de certains indices justifie une sélectivité et une prudence accrue dans le stock-picking. En dehors des Etats-Unis, est-ce qu’un repositionnement sur l’Europe fait sens ? Certes, les valorisations sont attractives, la sous-détention des investisseurs en actions européennes est une réalité, la faiblesse de l’euro est positive, et les potentielles réformes en Allemagne pourraient améliorer l’asymétrie de l’Europe. Néanmoins nous estimons qu’il est trop tôt pour se repositionner massivement sur le (Vieux) Paradis européen.
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