Bruno Cavalier – Chef économiste ODDO BHF
POINTS CLÉS :
Un choc géopolitique majeur, une inflation au plus haut depuis quarante ans, un resserrement monétaire sans précédent, et le moteur de croissance chinois qui cale… voici ce que 2022 nous laisse en héritage. On a connu des années débutant sous de meilleurs auspices. Ces quatre facteurs négatifs ne vont pas disparaître par enchantement, mais nous pensons qu’ils vont se modérer, et pour certains s’inverser.
Dans un environnement aussi difficile, les prévisions de croissance ne sauraient être positives. L’an dernier, il n’y a pas eu de cassure soudaine de l’activité et des échanges, plutôt une dégradation continue. A l’échelon global, le taux de croissance du PIB réel est passé selon nos estimations de 4.8% sur un an à la fin 2021 à 1.5% à la fin 2022, soit une moyenne d’environ 3%. Notre prévision est au voisinage de 2% pour 2023, ce qui est typiquement une zone de calage en cas de nouveau choc négatif. La guerre en Ukraine, abstraction faite de l’emploi d’une arme nucléaire, n’a plus le même potentiel disruptif, notamment en matière énergétique, mais cela reste un grand facteur d’incertitude. On reprend volontiers à notre compte l’expression de la Banque Mondiale décrivant l’économie mondiale "sur le fil du rasoir".
Dans les pays développés, le climat des affaires, qui avait débuté 2022 à un haut niveau historique, termine un peu au-dessous du seuil d’entrée en récession. Les nouvelles commandes à l’industrie baissent fortement depuis quelques mois. Les conditions de financement sont durcies. Toutefois, comme les agents privés sont sortis de la pandémie avec des situations financières saines, ils ne sont pas forcés de se désendetter dans l’urgence. Aux Etats-Unis, les ménages ont même accru leur recours au crédit et puisé dans leur épargne pour compenser le choc d’inflation. Plus étonnant, les entreprises n’ont pas réduit leurs effectifs comme c’est typique dans les phases baissières du cycle. Ayant connu les pires difficultés de recrutement en 2021, elles préservent par précaution leur main-d’œuvre. L’ajustement se fait à la marge, en réduisant les heures de travail ou l’emploi temporaire. Il est difficile de dire si cette rétention de main-d’œuvre va durer ou si elle ne fait que reporter plus tard une hausse du chômage. En attendant, les marchés du travail restent tendus, ce qui maintient une pression haussière sur les salaires.
Le cas de la Chine est particulier. L’an dernier, l’économie s’est affaiblie à cause de la purge du secteur immobilier et, circonstance aggravante, à cause de sévères contraintes sanitaires. Sans préparatifs d’aucune sorte, les autorités viennent d’abandonner la politique zéro-Covid, faisant le pari que les désavantages de la circulation du virus (coût en vies humaines, perturbations de la production) seront rapidement dominés par les avantages de la reprise économique (rebond de la demande et des échanges, baisse du chômage). La levée des restrictions à la mobilité sera un ballon d’oxygène, mais non un moteur durable de réaccélération tant les déboires du secteur de la construction ne sont pas près de s’arrêter. Les pays voisins en Asie seront les plus à même d’en retirer un surcroît de demande. L’effet sur la croissance globale paraît plus incertain, d’autant que la réouverture de la Chine peut aussi avoir des effets induits moins plaisants. Le pays représente un tel poids dans la demande de métaux ou de produits énergétiques qu’un rebond de sa consommation pourrait raviver des pressions de prix. On ne peut pas gagner sur tous les tableaux.
Nonobstant ce risque, les perspectives d’inflation sont désormais bien orientées. La désinflation est engagée à plusieurs étapes de la chaîne des prix, qu’il s’agisse des intrants industriels, de l’énergie, ou des biens manufacturés. La première vague du choc d’inflation, celle qui a résulté en 2021 des perturbations causées par la pandémie, a presque totalement reflué. La seconde vague, celle qui a contaminé en 2022 les services, est encore en train de grossir mais moins vite qu’il y a quelques mois. Cette inertie est en partie le reflet de tensions salariales. Malgré l’intensité du choc, les anticipations d’inflation à moyen terme ne se sont jamais écartées outre mesure de leur norme historique. Elles demeurent donc un point d’ancrage, vers lequel la convergence va se faire. Nous prévoyons une inflation passant sous 3% en fin d’année aux Etats-Unis et en zone euro. Ce n’est pas encore le retour sur les cibles mais presque.
Les perspectives de politique monétaire doivent faire la part de ces divers éléments ne poussant pas tous dans la même direction. L’affaiblissement des conditions d’activité invite à ralentir les hausses de taux. A l’opposé, la résilience de l’emploi pousse à durcir plus avant. Le resserrement monétaire va se poursuivre dans les prochains mois mais le plus gros du chemin est parcouru. Aux Etats-Unis, où la politique monétaire est déjà restrictive, la fin du resserrement semble proche. Pour autant, rien dans les propos émanant de la Fed ne laisse espérer un assouplissement aussi rapide que ce que les marchés espèrent. Il y a là matière à désillusion. En zone euro, où le repli de l’inflation est plus tardif, le resserrement s’annonce plus fort et durable, de quoi favoriser un affermissement de l’euro.
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