David Tavernier
Ingénieur Patrimonial - ODDO BHF Banque Privée
La loi de finances pour 2025 a été adoptée le 6 février dernier, aux termes d'un long feuilleton budgétaire, conséquence des vicissitudes inhérentes à la crise politique que nous traversons.
Un certain nombre de mesures votées figurait déjà dans le projet de loi du gouvernement Barnier.
Nous aborderons ici deux séries de mesures :
- Celles concernant les personnes domiciliées hors de France.
- Celles relatives à l'immobilier.
Mesures intéressant les non-résidents
La nouvelle loi de finances contient trois mesures ayant une portée internationale et visant les personnes ayant établi leur résidence fiscale hors de France. Deux d'entre elles figuraient déjà dans le projet de budget fin 2024.
1. Contrôle du domicile fiscal : accentuation de la lutte contre les domiciliations artificielles à l'étranger
La loi de finances étend le délai de reprise (contrôle) de l'administration fiscale en cas de fausse domiciliation à l'étranger, autrement dit lorsqu'elle entend remettre en cause la résidence fiscale à l'étranger déclarée par les contribuables personnes physiques.
Jusqu'à présent, l'administration disposait d'un délai de 3 ans, plus l'année en cours, pour rectifier l'impôt sur le revenu, l'impôt sur la fortune immobilière et les droits de mutation à titre gratuit des contribuables déclarant une résidence fiscale hors de France, sauf dans des cas particuliers ou des délais (plus longs) spécifiques sont prévus, notamment lorsque le contribuable s'est livré à des agissements frauduleux ou a exercé des activités occultes ou illicites.
Ce délai est dorénavant porté à 10 ans. Cette extension est justifiée par Bercy comme étant une réponse au caractère complexe et long des investigations approfondies que l'administration fiscale doit mener afin de caractériser une domiciliation effective en France (et donc une domiciliation artificielle à l'étranger).
Ce nouveau délai de reprise s'appliquera bien sûr pour l'avenir mais également aux délais de reprise arrivant à expiration à compter de la publication de la loi de finances (qui sont donc de facto prolongés).
Cette nouvelle mesure s'inscrit dans la volonté du législateur, depuis un certain nombre d'années maintenant, de lutter contre les fausses domiciliations à l'étranger de contribuables qui auraient maintenu des liens économiques, familiaux et professionnels significatifs avec la France et qui, de façon artificielle, tenteraient de masquer ces critères ou de les déplacer hors de France. La domiciliation fictive a d'ailleurs été érigée en infraction pénale qui, outre des sanctions fiscales (majoration de l'impôt éludé), peut donner lieu à des sanctions pénales (jusqu'à 7 ans d'emprisonnement et 3 000 000 € d'amende).
Une vigilance accrue s'impose donc pour les candidats à l'exil, d'autant plus que durant ce délai de 10 ans, l'administration pourra user de moyens d'investigation redoutables (écoutes, perquisitions fiscales…), renforcés depuis peu par l'utilisation des outils numériques.
2. Détermination de la résidence fiscale : la primauté du droit conventionnel légalisée
Le droit interne français définit la résidence fiscale d'un individu ou d'un foyer au moyen de différents critères alternatifs prévus à l'article 4 B du code général des impôts.
Les conventions fiscales contiennent elles aussi des critères définissant la résidence fiscale des personnes physiques et visent à régler les cas de conflit de résidence (lorsqu'une personne est considérée par ces deux États comme résidente de leur territoire).
L'administration fiscale considère depuis longtemps que dès lors qu'un individu est considéré, en application d'une convention fiscale, comme résident de l'autre État contractant, il ne peut pas être regardé comme domicilié en France pour l'application du droit interne français (des dispositifs fiscaux prévus pour les résidents français), quand bien même il serait qualifié comme tel par l'article 4 B précité.
Bien que les juges administratifs eussent récemment infirmé cette position administrative, l'administration maintenait sa doctrine.
Cette dernière se trouve renforcée par le législateur qui, à l'occasion de la loi de finances 2025, la légalise, affirmant ainsi de façon solennelle la primauté des dispositions des conventions fiscales sur celles du droit interne français.
3. Plus-values de cession de participations substantielles par les non-résidents : un remboursement du prélèvement indument effectué
Sous réserve des dispositions d'une convention fiscale, les plus-values de cession de droits sociaux dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés en France réalisées par des personnes physiques (ou morales) non-résidentes, sont soumises en France à un prélèvement forfaitaire dès lors que le cédant détient directement ou indirectement plus de 25% des droits dans les bénéfices de cette société (article 244 bis B du code général des impôts).
Ces plus-values sont soumises à l'impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8% ou, sur option, au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Dans ce second cas, lorsque les titres cédés ont été acquis avant le 1er janvier 2018, les plus-values peuvent être minorées par d'éventuels abattements pour durée de détention. Or, l'administration fiscale refusait jusqu'à présent d'accorder ces abattements aux cédants non-résidents, ce que le Conseil d'État (du 31 mai 2024) avait récemment condamné au nom du principe de liberté de circulation des capitaux prévu par le droit de l'Union Européenne.
La Loi de finances pour 2025 tire les conséquences de cette décision en permettant désormais aux contribuables concernés de demander par voie de réclamation le remboursement du prélèvement excédentaire acquitté (cette possibilité ayant un effet rétroactif car visant les demandes déposées à compter du 22 novembre 2024).
Mesures intéressant la fiscalité immobilière
1. Aménagement du régime d'imposition des plus-values de cession de logements donnés en location meublée
Cette mesure est reprise du projet de loi de finances qui avait été abandonné, suite à la motion de censure, en fin d'année 2024. Elle participe d'une volonté du législateur de refondre la fiscalité locative qui favoriserait la location meublée et entrainerait une distorsion économique du marché au détriment de la location nue.
Le régime de la location meublée non professionnelle permet aux propriétaires bailleurs de déduire de leur chiffre d'affaires un amortissement de leur bien immobilier. Jusqu'à présent, au moment de la cession dudit bien, la plus-value imposable était calculée par différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition non corrigé des amortissements déduits antérieurement. La loi de finances 2025 prévoit désormais que la plus-value de cession d'un bien ayant fait l'objet d'une location meublée non professionnelle doit être déterminée en retranchant du prix d'acquisition du bien les amortissements déjà déduits (comme le ferait un loueur professionnel).
Cette mesure ne s'applique pas à certains logements tels que les résidences de services séniors et étudiantes ou les établissements pour personnes âgées ou handicapées.
Sa portée pratique devra être analysée au cas par cas pour les bailleurs en meublé. Elle ne concerne que les modalités de calcul de la plus-value brute mais ne remet pas en cause l'application des éventuels abattements pour durée de détention. Donc, en cas de détention longue d'un bien amorti faisant l'objet d'une cession, la plus-value s'en trouvera comptablement et fiscalement augmentée mais corrélativement elle pourra être diminuée des abattements pour durée de détention (exonération d'impôt sur le revenu après 22 ans de détention, exonération de prélèvements sociaux après 30 ans de détention).
2. Droits de mutation et taxe de publicité foncière : une baisse pour les primo-accédants, une hausse pour les autres
Bonne nouvelle pour les acquéreurs d'une première propriété, les conseils départementaux pourront réduire le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement, voire décider de leur exonération. Cette réduction ne sera accordée qu'à la condition que l'acquéreur prenne l'engagement d'affecter le bien exclusivement et de manière continue (5 ans à compter de l'acquisition) à l'usage de résidence principale.
Mauvaise nouvelle pour les autres acquéreurs (non-primo-accédants) : les mêmes conseils départementaux pourront relever le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement au-delà de 4,5 %, sans que ce taux excède 5% pour les actes passés entre le 1er avril 2025 et le 31 mars 2028.
Le Conseil de Paris n'aura pas tergiversé longtemps puisque le 11 février il a décidé de montrer l'exemple en appliquant cette hausse, qui sera effective le 1er avril, et qui se traduira par un relèvement du plafond des droits de mutation à titre onéreux de 0,5 point.
3. Exonération des dons familiaux de sommes d'argent pour l'acquisition d'un logement
La loi de finances a réintroduit l'exonération temporaire des dons familiaux de somme d'argent afin de favoriser l'accession à la propriété et la rénovation énergétique des logements (CGI, art. 790 A bis). Les dons de sommes d'argent consentis en pleine propriété à un enfant, un petit enfant, un arrière petit enfant ou, à défaut d'une telle descendance, un neveu ou une nièce sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans la double limite de 100 000 euros par un même donateur à un même donataire et de 300 000 euros par donataire.
Les sommes doivent être affectées par le donataire, au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant le versement à :
• l'acquisition d'un immeuble acquis neuf ou en l'état futur d'achèvement ;
• la réalisation des travaux et des dépenses de rénovation énergétique dans la résidence principale du donataire, éligibles à la prime de transition énergétique, dite MaPrimeRenov.
Le bien devra être conservé pendant cinq ans comme résidence principale ou être loué (hors location intrafamiliale).
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