Déclaration des revenus : n’oubliez pas de déclarer vos avoirs détenus à l’étranger !!

Patrimoine
05.22.2024
6 Minutes

Le temps de la fraude fiscale est (presque) révolu. L’administration fiscale française, comme la plupart de ses homologues étrangères, a une connaissance précise de l’existence de comptes bancaires ou de contrats d’assurance vie / de capitalisation détenus hors des frontières par leurs contribuables. 

La Direction Générale des Finances Publiques recueille, en effet, des informations sur les comptes bancaires détenus à l’étranger par les contribuables résidents français dans le cadre des échanges automatiques prévus tant au niveau de l’Union Européenne que de l’OCDE. Dès lors, les banques ou autres établissements financiers ainsi que les compagnies d’assurance installés à l’étranger déclarent à leur administration fiscale de référence les comptes détenus par des résidents fiscaux français. Ces mêmes administrations nationales échangent ensuite les données fiscales avec leur homologue française.

En outre, un fichier des comptes bancaires détenus hors de France par des personnes physiques ou morales, dénommé Evafisc, a été créé par un arrêté du 25 novembre 2009.

Pour autant, ces échanges et collectes d’informations ne dispensent pas les personnes détenant des comptes à l’étranger de les porter à la connaissance de l’administration fiscale en les déclarant de façon annuelle. 

En effet, les personnes physiques, les associations et les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées en France, doivent déclarer, en même temps que leurs  revenus (ou résultats), un certain nombre d’informations concernant les comptes bancaires détenus dans des établissements bancaires ou tout autre organisme (ex : prestataires de services d’investissement, administrations publiques ou notaires, agents de change, etc) à l’étranger ainsi que les contrats d’assurance vie ou de capitalisation qu’elles ont souscrits auprès d’assureurs établis hors de France (typiquement les contrats luxembourgeois). 

Une même obligation pèse sur les personnes qui détiennent à l’étranger des comptes d’actifs numériques (crypto-monnaies). 

Les personnes tenues de souscrire la déclaration

Il s’agit :

– des personnes physiques ;
– des associations ;
– des sociétés n’ayant pas la forme commerciale.

L’obligation concerne en premier lieu les personnes physiques. Il s’agit, bien sûr, des particuliers qui agissent pour leur compte privé mais également des personnes exerçant à titre individuel une activité industrielle, commerciale, artisanale, non commerciale ou agricole donnant lieu à une déclaration spécifique de résultats (ex : un auto-entrepreneur, un professionnel libéral, un loueur en meublé…).

L’obligation de déclaration ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire, mais porte aussi sur les comptes dont il est cotitulaire ou ayant droit économique. Le Conseil d’Etat (décision du 8 mars 2023,  n° 463267) a même établi que l’obligation de déclaration incombe à une personne qui n’en est pas le titulaire mais qu’elle a utilisé, quel que soit le titulaire de ce compte, y compris notamment si ce titulaire est une société commerciale (ex : dirigeant / associé d’une société commerciale utilisant le compte ouvert au nom de la société pour son propre compte).

Il en va de même pour une personne qui n’est pas titulaire du compte mais bénéficie d’une procuration sur ce dernier, dès lors qu’elle a effectué des opérations sur ce compte ou contrat au cours de l’année visée par la déclaration. 

La notion d’utilisation du compte à l’étranger sous-entend la réalisation d’au moins une opération de crédit ou de débit au cours de l’année ou de l’exercice.

Les associations sont concernées par l’obligation de déclaration, quels que soient leur régime juridique ou fiscal et leur activité (associations loi 1901, fondations reconnues ou non d’utilité publique… etc), à moins qu’elles n’aient aucun revenu imposable et ne soient ainsi dispensées de déposer une déclaration de résultat.
C’est le représentant légal (ou un mandataire spécialement désigné à cet effet) qui effectue la déclaration.

S’agissant des sociétés, seules celles n’ayant pas la forme commerciale sont astreintes au dépôt de la déclaration.  L’obligation déclarative concerne donc toutes les sociétés, quel que soit leur régime fiscal, autres que les sociétés anonymes (SA), les sociétés à responsabilité limitée (SARL), les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL), les sociétés en commandite par actions (SCA), les sociétés en nom collectif (SNC) et les sociétés en commandite simple (SCS). Il peut s’agir, par exemple, des sociétés civiles (à objet immobilier, financier, patrimonial ou professionnel… etc), des SCPI, des GIE ou encore des indivisions.

Les personnes morales concernées par l’obligation déclarative sont celles établies en France, c’est-à-dire y exerçant leur activité.

Là aussi, la déclaration est effectuée par le représentant de la société ou un mandataire. 

Dispense de déclaration pour certains comptes

Certains comptes détenus à l’étranger par des particuliers, associations ou sociétés n’ayant pas la forme commerciale ne sont pas concernés par l’obligation de déclaration. Il s’agit des comptes financiers détenus à l’étranger adossés à un compte ouvert en France et destinés à réaliser des transactions en ligne (achats ou ventes de biens), dès lors que la somme des encaissements annuels liés à des ventes n’excède pas 10 000 €.

Autrement dit si vous possédez par exemple un compte Paypal, établissement financier basé au Luxembourg, adossé à un compte bancaire en France, qui ne sert qu’à régler vos achats, ou encore via lequel vous avez encaissé moins de 10 000€/ an, vous n’avez pas à le déclarer.

En revanche, les comptes ouverts auprès de « néo-banques » en ligne comme N26, domiciliée en Allemagne, ou Revolut, domiciliée au Royaume-Uni, doivent bien être déclarés annuellement. 

Contenu de la déclaration

L’obligation de déclaration concerne les comptes financiers ou contrats ouverts / souscrits, détenus, utilisés ou clos à l’étranger au cours de l’année considérée. 

Elle est limitée aux références du compte et ne comporte pas de renseignements quant à son contenu.

L’existence d’un ou plusieurs comptes et / ou contrats d’assurance vie / de capitalisation doit tout d’abord être signalée dans la déclaration d’ensemble des revenus (N° 2042) en cochant respectivement les cases 8UU et / ou 8TT de la déclaration. Ensuite chaque compte / contrat doit faire l’objet d’une déclaration distincte, établie sur le formulaire spécifique n° 3916-3916 bis (qui est généré automatiquement en cas de déclaration en ligne).

Pour les associations et sociétés n’ayant pas la forme commerciale, la déclaration effectuée par le représentant légal ou un mandataire spécialement désigné à cet effet, doit être jointe à la déclaration de résultats souscrite auprès du centre des finances publiques dont dépend le lieu de l’activité ou, selon le cas, le principal établissement ou le siège social.

La déclaration de compte mentionne des éléments tels que la désignation et l’adresse de la personne auprès de laquelle le compte est ouvert, la désignation précise du compte (intitulé, numéro, nature du compte et usage, privé ou professionnel, tec), ou encore la date d’ouverture et / ou de clôture. 
S’agissant des contrats d’assurance vie et de capitalisation, la déclaration mentionne les références des contrats ou placements, la date d’effet et la durée de ces contrats ou placements, les opérations de remboursement ou de versement des primes effectuées au cours de l’année précédente et, le cas échéant, la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente, au 1er janvier de l’année de la déclaration.

Sanctions en cas de non-déclaration

Les sanctions sont différentes selon que l’existence de comptes ou contrat à l’étranger n’a pas été déclarée ou que la déclaration contient des inexactitudes ou des omissions.

Alors que les inexactitudes ou omissions sont sanctionnées par une amende, l’absence de déclaration est, bien entendu, beaucoup plus lourdement punie :

– une majoration de 80 % des droits dus à raison des sommes figurant sur le ou les comptes et / ou contrats d’assurance vie ou de capitalisation non déclarés ;
–   une amende forfaitaire de 1.500 € par compte ou contrat non déclaré (10.000 € si le compte ou contrat est détenu dans un territoire considéré comme non coopératif), lorsque les sommes ne font l’objet d’aucune imposition ;
–  des rappels d’impôt correspondants sont assortis d’une majoration de 40 %, et des intérêts de retard en cas de présomption de revenus : les sommes, titres ou valeurs transférés à l’étranger ou en provenance de l’étranger par l’intermédiaire de comptes non déclarés constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables (à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales sur les revenus du patrimoine).. 

Pour les comptes d’actifs numériques, le non-respect de cette obligation déclarative est sanctionné par une amende de 750 € par compte non déclaré, ou 125 € par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 € par déclaration. Ces montants de 750 € et 125 € sont respectivement portés à 1 500 € et 250 € lorsque la valeur des comptes est supérieure à 50 000 € à un moment quelconque de l’année.

Si ces sanctions devaient ne pas s’avérer assez dissuasives, il est en outre prévu que lorsque l’obligation déclarative n’a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l’administration peut demander aux personnes physiques titulaires de fournir dans un délai de 60 jours des informations ou justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs placés sur leurs comptes ou contrats dissimulés et, en l’absence de réponse, soumettre la valeur la plus élevée des avoirs du compte ou du contrat au cours des 10 années précédentes à une taxation d’office aux droits de mutation à titre gratuit au taux de 60 %. 

David Tavernier 

Ingénieur Patrimonial
ODDO BHF Banque Privée
Rédigé le 22 mai 2024

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