Projet de loi de finances pour 2024 : n’est pas David Copperfield qui veut !
Dans les années 90, la France découvrait David Copperfield, un prestidigitateur américain ayant connu un immense succès outre Atlantique. Ses performances ont été diffusées sur les chaines nationales et Paris Match étala sa relation avec le mannequin Claudia Schiffer au grand jour. Il est encore souvent surnommé par la presse : « le plus grand illusionniste de notre temps ». Il a en effet été primé par de multiples récompenses et figure dans le livre Guinness des records.
Vous vous demandez certainement quel lien de causalité peut exister entre ce célèbre magicien au nom d’emprunt et le projet de loi de finances pour 2024 ?
Et bien, il ne vous sera pas utile de fournir un effort démesuré car la lecture des premières pages du dossier de presse de présentation du projet de loi vous donnera l’explication. En effet, dans leur lettre introductive le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire et le ministre délégué, Thomas Cazeneuve résument les choix fiscaux et budgétaires effectués par le Gouvernement pour l’année prochaine.
Au menu : lutte contre l’inflation, baisse du déficit public et investissements dans la transition écologique. Rien de révolutionnaire, ni de surprenant jusqu’ici.
Suivent quelques mots sur la vigueur de notre croissance économique à 1 % ! Mais on fera mieux l’année prochaine : 1,4 %, avec un taux de chômage historiquement bas (SIC), tellement bas qu’il n’est même pas mentionné.
Puis, on nous apprend que l’État (donc nous contribuables) a dépensé presque 37 milliards pour aider les ménages et les entreprises à limiter le niveau de l’inflation 2023 à 4,9 %. Soit l’un des plus bas d’Europe (re SIC). Mais peut-être que les autres États, n’ont pas dépensé une telle somme pour reporter à plus tard l’impact de l’inflation ! Ce n’est pas parce que la poussière a été mise sous le tapis qu’elle a pour autant disparu. C’est un peu comme de la prestidigitation, ce que l’on croit voir n’est pas ce qui est.
Le clou du spectacle se cache dans la suite du courrier, afin de mettre un coup d’arrêt définitif à l’inflation tout en continuant à protéger les Français. Ce nouveau budget mobilisera au total prés de 25 milliards d’euros pour l’indexation des prestations sociales et des minimas sociaux, des retraites et …. De l’impôt sur le revenu.
On lit donc qu’en dépensant 25 milliards en revalorisation de transferts, notre Gouvernement entend mettre un coup d’arrêt à l’inflation, on reste songeur. Il nous semble qu’au mieux, les bénéficiaires des prestations sociales et minima sociaux auront moins de difficultés à faire face à l’inflation mais les mesures évoquées n’auront pas pour effet de limiter la hausse des prix, cela pourrait même être le contraire. Par ailleurs, ces transferts ne concernent pas tous les contribuables ; les autres en seraient-ils pour leurs frais ? Et bien non, selon le communiqué de presse, le barème de l’impôt sur le revenu va être revalorisé !
Mais ce qui est surprenant, et les ministres l’expliquent très bien eux-mêmes, c’est qu’il s’agit d’une mesure systématique des lois de finances qui a pour objectif de ne pas alourdir insidieusement l’impôt sur le revenu des ménages en euro constant. On se demande bien pourquoi alors présenter cette mesure comme une disposition significative pour lutter contre l’inflation.
Dans ce cas, il aurait fallu revaloriser le barème du niveau de l’inflation mesuré si l’État n’avait pas dépensé les 37 milliards évoqués plus haut. Le Gouvernement chiffre lui-même à 6,9 % ce niveau. Cela aurait été une vraie mesure en faveur du pouvoir d’achat pour amortir les conséquences de l’inflation. Les ménages auraient payé moins d’impôt en euros constants avec une telle disposition. La mesure proposée ne va donc avoir aucune incidence sur le pouvoir d’achat des ménages qui payent effectivement de l’impôt sur le revenu, ce qui, rappelons-le, concerne seulement un foyer fiscal sur deux. Ils vont s’acquitter toutes choses égales par ailleurs de la même cotisation d’impôt en euros constants. Aurait-on voulu nous faire prendre une vessie pour une lanterne ? Serait-ce un nouveau tour de magie ?
Mais encore et sur le même sujet, les ministres soutiennent aux termes du dossier de présentation du projet de loi de finances, que la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu, représente un « coût » évalué à un quart de la dépense totale (6,1 Mds€). Une fois de plus on constate que notre Gouvernement et notre Administration considèrent sans la moindre gêne que ce qui n’est pas pris en impôt nous est gracieusement laissé par l’État. Le législateur ne consent plus au prélèvement de l’impôt conformément à la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, il autorise le Gouvernement à dépenser des impositions. C’est la 6ème République avant l’heure, un vrai tour de passe-passe !
La différence entre un magicien et le ministère de l’Économie et des Finances, c’est que le premier vous mystifie sans que vous ne puissiez rien voir et cela devient de la magie qui vous enchante, le second vous entortille avec de grosses ficelles et cela devient une farce. N’est pas David Copperfield qui veut !
Jérôme Chigard
Directeur de l’Ingénierie Patrimoniale
Rédigé le 19 octobre 2023