Du nouveau au sujet des plus-values immobilières ?

Patrimoine
10.19.2023
3 Minutes

Le rapport de la mission d’information sur la fiscalité du patrimoine créée par la commission des finances a été rendu public sur le site de l’Assemblée Nationale fin septembre. Rédigé par Messieurs Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu, leur analyse s’est concentrée sur le patrimoine des ménages et sa taxation au nom de la lutte contre les inégalités. 

Qu’en est-il ?

Ce rapport fait un « état des lieux du patrimoine en France », et « constate une hausse des inégalités au cours des dernières décennies ». Même si ce constat est, « comparativement à d’autres pays, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, plus modéré », le rapport présente des « recommandations pour adapter la fiscalité aux besoins contemporains » : les recommandations mentionnées pourraient, si elles étaient retenues, permettre « d’adapter la fiscalité et la rendre plus adaptée au contexte actuel ».

Le rapport statue sur 27 propositions, émises pour nourrir les débats budgétaires et repenser la fiscalité du patrimoine, notamment en matière d’imposition des patrimoines des contribuables les plus aisés, de donation et de succession.

Concernant plus particulièrement le régime d’imposition des plus-values de cessions d’actifs immobiliers, une des recommandations du rapport propose de remplacer les abattements en vigueur par une actualisation du prix d’acquisition. Entre abattement sur la plus-value ou actualisation du prix d’acquisition, la question est de déterminer l’assiette qui sera taxée… Si cette mesure voit le jour, il faudra donc veiller à la cohérence du choix de l’indice d’actualisation ! 

Pourquoi une réflexion sur l’imposition des plus-values immobilières ?

Ces derniers mois, les professionnels de l’immobilier ont souligné qu’après de nombreuses années de taux d’intérêt bas, « naturellement » favorables à l’endettement et par extension à l’investissement immobilier, la situation est aujourd’hui radicalement différente : inflation croissante, hausse des taux soutenue, le marché de l’immobilier s’annonce tendu pour les mois à venir.

Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre les passoires thermiques, les propriétaires se voient contraints de réaliser des travaux parfois importants et coûteux pour permettre de conserver les revenus provenant de leur patrimoine foncier.

Face à ces évolutions, les propriétaires se trouvent parfois confrontés à un dilemme cornélien : engager les travaux nécessaires pour maintenir la rentabilité de leur patrimoine, ou bien céder leurs actifs… quel que soit le choix retenu, il y aura une incidence financière : le coût des travaux ou l’impôt sur la plus-value immobilière. Et c’est souvent l’arbitrage entre l’un ou l’autre qui guidera la décision !

Plus-value : des règles d’imposition en constante évolution 

Actuellement, la plus-value est imposée :

– A un taux forfaitaire de 19% majoré des prélèvements sociaux, et éventuellement, si la plus-value est importante (c’est-à-dire supérieure à 50 000€) majoré d’une taxe complémentaire allant de 2 % à 6 % selon le montant de la plus-value imposable ; soit un taux final de 36,2 % à 42,2 % (hors contribution exceptionnelle sur les hauts revenus),
– Après un abattement pour durée de détention permettant :
    > Une exonération au titre de l’impôt sur le revenu au terme de 22 ans de détention,
    > Une exonération au titre des prélèvements sociaux au terme de 30 ans de détention.

L’exonération n’est donc totale qu’après 30 ans de détention du bien.

Cette règle résulte d’une succession de réformes entamées depuis près de 20 ans… faut-il la modifier ? 

Initialement imposée avec l’ensemble des revenus du contribuable, la plus-value immobilière a été amendée de nombreuses fois, depuis 2004 : le législateur a tout d’abord fait ce choix d’une imposition forfaitaire, pour permettre au notaire en charge de la transaction de prélever cet impôt et donc de pouvoir le calculer (on reconnait déjà une ébauche du principe de la contemporanéité de l’impôt qui sera consacrée avec le prélèvement à la source).

Toutefois assez paradoxalement, l’abattement par année de détention a été maintenu alors qu’il s’agit d’un dispositif destiné à contrebalancer une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Inversement, la revalorisation du prix d’acquisition en fonction de l’inflation a été abandonnée alors qu’il s’agit d’une disposition ayant vocation à apprécier la plus-value en euro constant.

Le rapport Mattei Sansu propose donc d’inverser les choix faits précédemment.

Au-delà et comme chaque année en cette période de discussion du budget, on peut se demander si des règles fiscales aboutissant à des exonérations ne seront pas remises en cause… A ce stade, il est trop tôt pour le dire, car aucune mesure ne figure dans les projets de loi. Si la réflexion menée touche par ailleurs les méthodes d’imposition des revenus locatifs, l’arbitrage entre conserver et valoriser son patrimoine immobilier ou le céder restera  un dilemme ! 

Affaire à suivre.


Laure Varastet
Ingénieur Patrimonial
Rédigé le 19 octobre 2023

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