Donations graduelles ou résiduelles : charmes juridiques et fiscaux
Les donations résiduelles ou graduelles permettent d’affiner les stratégies patrimoniales. Leur intérêt est à la fois juridique et fiscal.
De quoi s’agit-il ?
Le donateur va gratifier une première personne, au décès de celle-ci une seconde personne identifiée par le donateur initial recevra tout ou partie des biens transmis à la première personne.
La donation graduelle : dans ce schéma, le premier gratifié doit conserver le bien et le transmettre au second gratifié. Il n’est donc pas possible de vendre le bien. Ce mécanisme est adapté pour assurer la conservation d’un actif familial.
La donation résiduelle : cette forme de donation permet au premier gratifié de consommer les biens qu’il a reçus. Le solde non consommé sera transmis au second gratifié. Par exemple, cette stratégie est adaptée à la transmission à des enfants qui n’ont eux-mêmes pas de descendant.
On peut imaginer plusieurs situations pour lesquelles ces donations font valoir leurs charmes :
– Vous souhaitez organiser la conservation d’un bien de famille.
– Vous souhaitez protéger un enfant qui n’a pas d’héritier direct tout en assurant de la transmission de ce qui n’a pas été consommé à d’autres membres de la famille.
– Vous êtes divorcé : vous souhaitez protéger votre nouvel époux tout en préservant les droits de vos enfants à terme.
Notons que ces deux formes de donation peuvent aussi être mises en place par voie testamentaire, il s’agit alors de legs complexes.
L’opération présente certains intérêts fiscaux. Si la première transmission est traitée de façon classique sur le plan fiscal, l’intérêt du schéma se révèle lors de la seconde transmission. En effet, le second gratifié est réputé recevoir les biens en question du donateur initial. Par exemple, si un père transmet une maison à sa nouvelle épouse, charge à elle de la transmettre aux enfants de son défunt époux, cette dernière mutation sera taxée en tenant compte du lien de parenté entre le père décédé et ses enfants. La seconde transmission sera donc imposée au barème en ligne directe et non au taux de 60 % (ce qui aurait été le cas dans une transmission belle-mère / beaux-enfants).
L’intérêt fiscal se présente également lorsqu’un enfant n’a pas de descendant, les neveux ne recevront pas le patrimoine de leur oncle en tenant compte de ce lien de parenté (oncle-neveux 55% de droits). Les biens seront réputés être transmis par le grand-parent à ses petits-enfants, le barème plus favorable, s’appliquera alors.
Attention néanmoins à ne pas se laisser guider par les seules considérations fiscales. En effet, ces donations, ou legs complexes, ne sont ni plus ni moins que des donations avec charge. Dès lors, il convient d’analyser avec attention la question de la réserve héréditaire. La réserve de chaque enfant, c’est-à-dire sa part minimale d’héritage, doit être délivrée libre de toute charge. Dans le cadre d’une donation, il est possible de déroger à cette règle en utilisant la renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR). Dans les autres cas, l’objet de la donation ou du legs graduel ou résiduel devra être limité à la quotité disponible, c’est-à-dire la part du patrimoine librement attribuable.
Avant de vous plonger dans ces réflexions, il est temps de penser à l’été, nous vous souhaitons d’agréables vacances !
Alexandre Feuilleuse
Ingénieur Patrimonial
Rédigé le 13 juillet 2023