Prochain rapport sur la fiscalité du patrimoine du Député Jean-Paul Mattei : retour vers le futur !

Patrimoine
06.15.2023
4 Minutes

Une récente interview publiée par le journal Les Echos du Député Jean-Paul Mattei, Président du groupe Modem à l’Assemblée nationale, nous apprend la publication prochaine d’un énième rapport sur la fiscalité du patrimoine qui pourrait nous ramener quelques quinquennats en arrière ! En effet, dévoilant ses principaux axes de réflexion, l’élu déclare sans ambages : « il est vraiment temps de réfléchir à un rééquilibrage de la fiscalité entre revenu du travail et revenu du capital ». 

Mais quels sont donc ces sujets qui préoccupent notre Député ? 

Tout d’abord le régime des sociétés mères et filiales qui, rappelons-le, trouve son fondement dans une directive européenne. Ce dispositif prévoit qu’un dividende versé à une société mère (qui détient plus de 5% du capital de la filiale) est exonéré d’une nouvelle taxation à l’impôt sur les sociétés (IS) si les titres de la filiale sont conservés pendant au moins deux ans, à l’exception d’une quote-part de frais et charges égale à une fraction de cette distribution. Cette non double imposition, qui est qualifiée d’exonération, est pointée du doigt notamment par l’Institut des Politiques Publiques qui y voit une pratique d’optimisation. Pourtant, cette exonération n’est possible que si le dividende reste « coincé » dans le champ de l’impôt sur les sociétés car s’il en sort, il sera alors pleinement taxé. Il faut noter aussi que si le seuil de participation (5%) n’est pas atteint, alors la double taxation joue pleinement et là c’est l’Etat qui en profite plus que de raison. En effet, si la société distribuante a réalisé un bénéfice de 100, elle s’acquitte de 25 d’impôt sur les sociétés et paye un dividende de 75. En l’absence d’exonération, la société mère paye de nouveau l’IS sur 75 soit 18,75  et elle ne peut reverser à son actionnaire que 56,25 sur lesquels l’Etat prélèvera la Flat Tax (30%). Il restera donc à l’actionnaire 39,38, l’Etat ayant prélevé au total presque 61% ! Une analyse objective du régime des sociétés mères et filiales devrait donc tenir compte de tous les dividendes distribués qui ne bénéficient pas du régime de neutralisation avant de proposer une majoration de la quote-part de frais et charge à 10% comme semble le suggérer le Député. Celui-ci ajoute que cette majoration « ne serait pas un drame pour les groupes », cela reviendrait quand même à prélever plus sur ces dividendes qu’avant la baisse de l’impôt sur les sociétés ! Voudrait-on nous faire prendre des vessies pour des lanternes ?

Revient ensuite l’idée d’une sur imposition des « superprofits » qui serait plus vertueuse aux yeux du Député que l’accord sur le partage de la valeur proposée par le Gouvernement. On notera quand même que si la mesure ne profitera qu’aux salariés concernés, ce n’est au moins pas une augmentation d’impôt. Et faut-il rappeler l’existence de la Contribution Sociale sur les Bénéfices des sociétés qui est assise sur l’impôt sur les sociétés au taux de 3,3% et qui fonctionne exactement comme une taxe sur les superprofits puisqu’il faut que le chiffres d’affaires de la société excède 7 630 000€ au cours de la période d’imposition ?

En matière d’augmentation, Monsieur Mattei propose de porter de taux du PFU (la Flat Tax) à 33% au lieu de 30% en omettant de rappeler l’existence de la Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus dont le taux marginal est de 4%. Peut-être qu’une redénomination de cette imposition en « CDHR » pour Contribution Définitive serait un préalable opportun tant il est certain maintenant qu’elle perdurera comme la contribution au remboursement de la dette sociale.

Les plus-values immobilières sont aussi dans le collimateur, avec une affirmation toute en nuance du Député : « lorsque l’on s’enrichit sans talent on doit subir une petite taxation supplémentaire ». Malheureusement, notre élu a été devancé par ses prédécesseurs et il semble ignorer l’existence de la Taxe sur les Plus-Values Immobilières Elevées instituée en 2018 dont le taux marginal est de 6% et applicable dès 50 000€ et ceci quel que soit le talent du contribuable.

Fort heureusement, notre représentant fixe une limite. Si une réduction d’impôt en faveur des classes moyennes doit s’effectuer comme le souhaite le Gouvernement : « il faut faire cette baisse sans diminuer l’enveloppe globale » ! On ne semble pas s’interdire donc de l’augmenter, on peut être pleinement rassuré.

S’il faut chercher des points positifs c’est à l’aune de la taxation des donations qu’il faut regarder avec une proposition de défiscalisation sous contraintes de certaines transmissions, mais pas de réflexion visant à instaurer la taxation du flux successoral proposée par le précédent rapport de Messieurs Tirole et Blanchard. Ou encore la création d’un statut d’investisseur immobilier avec beaucoup de restrictions en perspectives mais pas d’unification pragmatique (généralisation des amortissements) de l’imposition des locations qu’elles soient nues ou meublées.

Vous l’aurez compris, les perspectives offertes par cette interview nous laissent dubitatifs voir même méfiants si le fil conducteur est celui d’un rééquilibrage entre la taxation des revenus du travail et ceux du capital. Faut-il rappeler que la dernière fois que cette ligne a été suivie, le Président en place a fait face à un ras-le-bol fiscal sans précédent ? On semble se diriger tout droit vers un nouvel épisode de « retour fiscal vers le futur » dont le succès au box-office ne nous paraît pas garanti. Les modalités d’imposition ne peuvent faire abstraction de la nature des gains et doivent être adaptées en conséquence, comparer des taux d’imposition ne prend en compte qu’une petite partie du problème. On attend toujours celui qui nous proposera un nouveau scénario global et structurant de modernisation de notre système de taxation. La fraude fiscale, qui est aussi le fruit de son ultra complexité, nous est jetée en pâture en partie pour masquer l’absence d’initiative dans ce domaine. N’est pas Robert Zemeckis qui veut !

*Retour vers le futur est une trilogie cinématographique qui débuta en 1985 écrite par Bob Gale et Robert Zemeckis, réalisée par ce dernier.

Jérôme Chigard
Directeur de l’Ingénierie Patrimoniale
Rédigé le 15 juin 2023

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