Immobilier : postures et impostures
À l’heure où tous les voyants sont au rouge pour l’immobilier, le législateur est intervenu au sujet de la fiscalité des revenus immobiliers et de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
En matière de revenus immobiliers, le législateur a décidé d’aligner la fiscalité des locations saisonnières sur le régime micro foncier. Le régime micro s’applique de plein droit lorsque les recettes de location de courte durée sont inférieures à 15 000€ l’abattement serait désormais de 30% (contre 50 à 71% auparavant). Au-delà de ce seuil le régime réel s’appliquerait. Notons qu’un abattement plus favorable est prévu pour les zones rurales non tendues.
Que le lecteur ne prenne pas pour acquis ce nouveau dispositif, au demeurant incomplet et perfectible sur le plan technique. Il s’agit d’un « couac » législatif, un amendement de l’opposition au Sénat n’ayant pas été retiré par le Gouvernement dans le texte définitif (adopté via la procédure de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution). Bercy a indiqué qu’une rectification aurait lieu dès que possible afin de se rapprocher du projet que nous avions décrit dans un article en date du 23 novembre dernier. Ce projet devrait entériner une hausse de la fiscalité sur les locations saisonnières.
Une chose est certaine : si l’objectif affiché est de résorber la tension locative, l’effet se traduira vraisemblablement par une hausse des recettes fiscales sans effet substantiel sur le nombre de logements sur le marché.
L’impôt sur la fortune immobilière est lui aussi modifié. Le changement porte sur la prise en compte des dettes contractées par une société et non affectées à un actif immobilier. S’agissant de société, il convient dans un premier temps de calculer un coefficient immobilier. Ce ratio est formé par la valeur vénale des actifs immobiliers taxables de la société sur la valeur de l’ensemble de ses actifs. Le coefficient obtenu est alors appliqué à la valeur vénale (actifs réévalués moins les dettes admises) des parts du contribuable. Le résultat constitue l’assiette soumise à l’IFI. Ainsi, auparavant, toutes les dettes de la société non rattachées à l’acquisition d’un bien imposable étaient prises en compte lors de l’application du ratio à la valeur des parts. Certaines dettes, notamment contractées auprès des associés, étaient déjà retraitées pour l’application de ce calcul.
Désormais, la valeur des parts à laquelle est appliquée le coefficient devra être majorée des dettes qui n’ont pas pour objet les actifs taxables. Néanmoins, un double plafonnement est prévu par le texte, il conduit à retenir la valeur la plus faible entre :
– la valeur vénale des actions ou parts de la société ;
– la valeur vénale des actifs immobiliers imposables de la société, déterminée comme si ces actifs étaient détenus directement par le redevable, et retenue en proportion de ses droits au capital de la société détentrice de ces actifs.
Cette modification technique est applicable à l’IFI 2024, les contribuables concernés devront donc redoubler de vigilance.
En matière de réductions d’impôts, notons la prorogation du régime Malraux ainsi que celle du dispositif Denormandie ancien. Le dispositif Pinel prendra quant à lui fin en décembre 2024.
Enfin, les valeurs locatives servant de base au calcul de la taxe foncière sont revalorisées de 3,9% (contre 7,1% l’an passé), les taxes foncières vont donc continuer à augmenter sensiblement.
Ainsi la loi de finances pour 2024 a clôturé une année 2023 marquée par la publication de plusieurs rapports prônant une réforme de la fiscalité immobilière. Un projet de loi serait même prévu pour 2024 afin de réformer la fiscalité immobilière et corriger les erreurs qui se sont glissées dans la loi de finances. L’incertitude est donc de mise concernant l’imposition de certains revenus immobiliers perçus en 2023. Le début d’année étant dédié aux vœux, formulons celui que les propriétaires ne soient pas une nouvelle fois les boucs émissaires de la politique fiscale française.
Alexandre Feuilleuse
Ingénieur Patrimonial
Rédigé le 18 janvier 2024