Abdication : God save the représentation ?

Patrimoine
05.25.2023
3 Minutes

L’âge moyen auquel un Français hérite a reculé pour s’établir à 50 ans. L’héritier du XXIème siècle est donc une personne déjà établie et qui commence à anticiper la transmission de son propre patrimoine. 

La renonciation consiste pour un héritier à abandonner ses droits sur une succession. Cet acte est purement abdicatif, il emporte des conséquences juridiques et fiscales. 

Sur le plan juridique, la part du renonçant reviendra à ses représentants, c’est-à-dire ses descendants en ligne directe, à défaut ses collatéraux privilégiés (frères et sœurs ou leurs enfants). 

La représentation ne fonctionne pas en présence d’un enfant unique renonçant. Ses descendants viennent à la succession de leur propre chef.

Sur le plan fiscal, la renonciation est un acte abdicatif, elle n’implique pas de transmission du renonçant à ses représentants. Ces derniers sont réputés tenir leurs droits de leur auteur, ils viennent donc à la succession en lieu et place du renonçant lorsque le mécanisme s’applique.

Toutefois, les textes prévoient que les représentants se partagent l’abattement dont aurait bénéficié leur auteur. De plus une tolérance administrative étend le bénéfice de ce mécanisme aux représentants d’un enfant unique. 

Au-delà des éventuels abattements, le barème des droits de succession s’applique de façon personnelle. Les donations reçues par le renonçant ne sont donc en principe pas prises en compte, chaque représentant bénéficiant d’un barème propre. Cependant, une récente décision du 20 mai 2022 du Tribunal Judiciaire de Paris créé un flou juridique. Le juge a considéré que les représentants doivent se substituer intégralement au renonçant, ils « repartiraient » donc du barème de leur parent. 

Une lecture stricte des textes couplée à l’étude de l’intention du législateur s’opposent à ce jugement regrettable. Nous espérons que cette décision sera infirmée en appel. Au-delà de ce point, la renonciation offre l’opportunité de réaliser un saut de génération et donc une économie de droits d’enregistrement.

En matière d’assurance vie, la renonciation est aussi envisageable pour un bénéficiaire ne souhaitant disposer d’un capital. Mais la renonciation à la succession de l’assuré dans le cadre de la succession reste sans incidence  en matière d’assurance vie, les deux mécanismes sont indépendants. 

Une particularité toutefois : la représentation doit être prévue explicitement par la clause bénéficiaire, tant en cas de prédécès d’un bénéficiaire que de renonciation car il n’est pas possible de renoncer au profit de quelqu’un ! N’hésitez pas à interroger votre banquier privé pour vérifier que vous l’avez prévue. 

La représentation est mal nommée en assurance vie, il s’agit d’un mécanisme désignant des bénéficiaires de second rang en lieu et place d’un renonçant. De plus la faculté de renonciation s’applique à chaque contrat de façon indépendante.

Chaque bénéficiaire venant en représentation devient bénéficiaire de son propre chef. Il jouit donc d’un abattement propre (152 500€) et de la progressivité du prélèvement sui generis au titre des primes versées avant les 70 ans de l’assuré. Par exemple, un enfant est bénéficiaire d’un contrat de 300 K€ abondé avant les 70 ans de l’assuré. Après abattement, 29 500€ d’impôts auraient été appliqués. En renonçant, ses deux enfants deviennent bénéficiaires du contrat, les capitaux ne sont alors plus imposables (2 x 152 500€ d’abattement). 

Si le contrat a été abondé après 70 ans, les capitaux seront soumis aux droits de succession. Fiscalement chaque bénéficiaire venant en représentation sera imposé en fonction de l’abattement et du barème dépendant de son lien de parenté avec l’assuré. Un petit enfant, représentant son père renonçant, ne pourra pas prétendre à l’abattement de 100 K€ de son parent. Seul l’abattement de 1594€ s’appliquera.

La renonciation peut donc être une stratégie patrimoniale intéressante. Il convient d’en anticiper les conséquences, juridiques et fiscales, afin de permettre un saut de génération. 

  

 

Alexandre Feuilleuse
Ingénieur Patrimonial
Rédigé le 25 mai 2023

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